texte à partager sur la Colère
Colère
Colère, ô colère, avec quoi tu rimes dis moi ?
Es-tu née avec moi ou
m’as-tu été léguée dans un paquet bien ficelé en présent par ceux
d’avant?
Où donc as-tu germé, qui donc t’a si fortement enracinée
en moi, dans de si vastes profondeurs.
Est-il possible que pendant si longtemps je t’ai arborée,
colère transmutation de la peur
Jamais avec toi je ne garde la tête froide
Ni ne puis rester de sang froid
Pris dans tes rets dès mon âge le plus tendre,
arriverais-je à me dépêtrer de tes tentacules
Tellement étouffée lorsque mon père me rossait, mes
maîtres m’avilissaient, tu t’es mise en apnée
Nourrie engraissée muselée, tu fus violentée, vilipendée,
censurée
En révolte tu te transformas, et te lovas en mon sein
telle une immense araignée
Bête immonde tu retournes contre moi ton venin putride et
tes griffes acérées
Tu m’enserres le corps tout entier crispant de ma voûte
céleste jusqu’aux doigts de mes pieds
Tu chipotes tu chicanes, tapie dans les hautes
profondeurs de mes entrailles
Tu avances masquée, haine envahissante que je hais, tant
tu fais peur à mon lignage
Epiant sournoisement une occasion, un motif, un prétexte
pour surgir, m’envahir et faire ripaille
Egal à ce que l’on dit de l’enfer, puissance
dévastatrice, torrents de lave jaillis de la fournaise
Tu chauffes mes joues et mon sang et de mon cœur surgit
le monstre infâme empli de rage
Son éveil impétueux me harponne et m’enrage me poussant
dans de terribles emportements
Tu m’agites me remues, réveilles ma fureur, me brouilles
l’esprit, me chavires les sens,
Tu danses et festoies puis vicieuses te régales et sur des charbons ardents tu m’assois
Tu me donnes le vertige, me boutant dans mes plus
profonds retranchements
Tu te comportes vilaine en reine, avalant jusqu’à mes
mots tu me mets aux abois
Indomptable et aveugle tu me rends coupable et contrit,
c’est de mauvais aloi
Aujourd’hui encore je te trimbale, boue nauséabonde et
visqueuse reçue en héritage
Gouffre, précipice cachés aux contours des sentiers
tortueux de la vie tu t’opposes à la paix
Je ne te vois jamais venir toujours tu me fais le croche
pied, je trébuche et je sombre
Dans des transports de souffrance, de manques, de déni,
tel des poisons violents
Expression d’abominables outrages, tu égales avec intolérance,
négation de l’être, blessure
A l’aube de l’automne je sais que nous aurions pu nous
entendre tous les deux
Diabolisée par mes
aïeux, tu ne pouvais que te rebiffer
face à un destin stupide si haineux
On te qualifia
de péché capital, te rendant trop souvent coupable de n’être
que maux
Suprême infamie on t’associa à paresse, gourmandise,
orgueil, avarice, envie et luxure
Or, tu devrais être anoblie tant ton expression est
salutaire et tu charries nombre de vertus
Colère, transmutation de la peur, je t’imprime dans ce papier et je romps la
transmission.
Et j’apaise ces impétueux
témoins du passé que sont mes
émotions.
Démêlant tes fils et déliant mes sentiments, je retrouve
mes esprits, et renoue avec les mots.
Kafiab